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100 ans d'histoire

Par l’amiral Bernard Louzeau, de l’académie de marine


A l’occasion du centenaire du lancement du
Narval, premier véritable submersible, l’amiral Louzeau qui fut le premier commandant du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français, puis chef d’état-major de la marine, et donc au cœur du développement de l’arme sous-marine, nous fait revivre la formidable évolution de cette arme.

Cette première partie traite de l’histoire du sous-marin, de ses origines à l’apparition du nucléaire. Dans la seconde partie, l’amiral Louzeau nous en présentera l’évolution jusqu’à nos jours.

L’histoire du sous-marin se confond avec celle du XXe siècle. Nous célébrons cette année, le 21 octobre 1999, le centième anniversaire du lancement à Cherbourg du Narval, étape décisive dans le développement de l’arme sous-marine. Sans être chauvins nos compatriotes peuvent être fiers de son concepteur, l’ingénieur du génie maritime Maxime Laubeuf.

Les origines

L’homme a toujours cherché à pénétrer le milieu maritime et sans remonter à l’Antiquité ou au Moyen Âge, citons quelques réalisations marquantes de cette conquête. La Tortue de Bushnell, engin considéré comme le premier sous-marin et utilisé en 1776 pendant la guerre d’Amérique contre un vaisseau anglais ; le Nautilus de Fulton, proposé en vain à la marine française en 1800 puis à la Royal Navy ; le Plongeur de Bourgois et Brun en 1863, en avance sur son temps et propulsé par un moteur à air comprimé. L’histoire des sous-marins commence véritablement dans les dernières années du XIXe siècle. Un premier pas est fait en France en 1888 avec le lancement du Gymnote, engin de 30 tonnes à propulsion électrique construit par Gustave Zédé sur des études de Dupuy de Lôme. A l’étranger, il faut citer les réalisations de Holland et de Lake aux États-Unis. Tous ces prototypes dont le rôle militaire n’apparaît pas clairement restent inadaptés à la haute mer et ont une autonomie très réduite.

Une étape décisive est franchie avec le Narval de Laubeuf. En 1896, le ministre de la Marine Lockroy lance un concours pour la réalisation « d’un torpilleur sous-marin » de 200 tonnes capable de franchir 100 milles en surface et 10 en plongée. Laubeuf gagne ce concours. Son idée originale réside dans la double coque, c’est-à-dire une coque légère de torpilleur assurant la tenue à la mer en surface et entourant la coque résistante, l’espace intermédiaire permettant de placer les ballasts. Hybride de bateau de surface et de sous-marin, le Narval a un double système de propulsion, vapeur pour la surface et électrique en plongée. Le torpilleur submersible est né. Au même moment Romazotti avec le Gustave Zédé extrapolation du Gymnote, poursuit dans la voie du sous-marin pur mais finalement ce sont les conceptions de Laubeuf qui l’emportent et s’imposent même si le Narval est loin d’être exempt de défauts, comme sa propulsion à vapeur et sa flottabilité excessive entraînant des temps de prise de plongée de 30 à 40 minutes.

Au début du siècle la France est incontestablement le pays le plus avancé pour la conception et la réalisation des sous-marins. Aux États-Unis, Holland comprend lui aussi l’importance de la double propulsion mais choisit d’abord le moteur à essence pour la surface. L’amirauté britannique regarde avec dédain cette arme nouvelle réservée aux marines faibles mais, devant les succès remportés à l’étranger, commande cinq sous-marins sur plans Holland. En 1904, l’Aigrette de Laubeuf est équipée d’un moteur Diesel et sert de modèle au premier sous-marin allemand, l’U 1, construit par les chantiers Krupp. Toutes les marines se mettent à construire des bâtiments plus ou moins inspirés des idées de Laubeuf. Très rapidement les perfectionnements techniques se multiplient. Le moteur Diesel s’impose peu à peu mais la France tarde à abandonner la propulsion à vapeur. Pour la tenue de l’immersion des barres de plongée avant et arrière ainsi que des caisses d’assiette sont adoptées. L’installation de deux périscopes, l’un pour la veille, l’autre plus discret pour l’attaque, se généralise. Enfin en 1911 l’invention du gyrocompas va permettre le remplacement du compas magnétique très perturbé par l’environnement de la coque épaisse. En ce qui concerne l’armement, la plupart des submersibles sont équipés de canons de petit calibre mais l’arme principale est la torpille automobile. Inventée en 1864 par un officier autrichien, le capitaine de frégate Luppis, et améliorée quelques années plus tard par l’ingénieur anglais Whitehead, la torpille voit ses performances s’améliorer. Lancée par un tube, en général intérieur à la coque épaisse, mue par un moteur à air comprimé et stabilisée par un gyroscope, elle peut en 1914 porter à 10 000 m, à la vitesse de 29 nœuds, une charge explosive de 110 kg. La mine fait aussi partie de la panoplie des armes, les Russes étant les premiers à mettre en chantier en 1912 un sous-marin poseur de mines, le Krab.

 

La Première Guerre mondiale

A la déclaration de la guerre, 250 submersibles sont en service dans les flottes belligérantes. En quinze ans une arme nouvelle est née ! Les conceptions de Laubeuf ont été peu ou prou adoptées dans leurs principes et progressivement perfectionnées. Submersible ou sous-marin, le vocable importe peu même si celui de sous-marin s’impose par la suite.

Dès les premiers jours du conflit l’arme sous-marine montre son efficacité. Le 5 septembre 1914 le croiseur léger britannique Pathfinder est torpillé au large d’Edimbourg par l’U 21, premier succès d’une longue série... Quelques jours plus tard, le 22 septembre, un véritable coup de tonnerre éclate : les trois croiseurs-cuirassés Aboukir, Hogue et Cressy sont coulés en moins d’une heure par l’U 9 (Weddigen). Par cette action le sous-marin montre la place qu’il va prendre dans le combat naval. Après la confrontation du Jutland, l’Allemagne renonce à l’affrontement direct avec la flotte anglaise et concentre ses efforts dans la guerre de course en attaquant le trafic commercial. Après quelques hésitations, la guerre sous-marine sans restrictions est déclarée le 1er février 1917. 18 700 000 tonnes de navires sont coulées pendant le conflit, dont 9 000 000 pour la seule année 1917. Les sous-marins sont les grands responsables de ces pertes. Les défenses anti-sous-marines, lentes à se mettre en place sont très diverses : grenades, hydrophones, bateaux-leurres ou Q-ships efficaces un certain temps, barrages de mines etc. Les Anglais tardent surtout à pratiquer la protection par convois, frôlant ainsi la catastrophe. En 1914, l’Allemagne aligne 29 sous-marins. Pendant le conflit 343 entrent en service et 178 sont perdus. La plupart des sous-marins utilisés en opérations ont un déplacement compris entre 400 et 900 tonnes, une vitesse de 15/16 nœuds en surface. En plongée ils peuvent parcourir une cinquantaine de milles à 4 nœuds. La durée de prise de plongée s’améliore, passant de quelques minutes à 40 secondes. Les sous-marins allemands sont particulièrement robustes et endurants. A la fin du conflit le sous-marin a donc fait ses preuves et il est devenu une arme redoutable qui doit maintenant être prise en considération dans la stratégie navale.

Entre les deux guerres les progrès techniques sont relativement modestes : augmentation de l’immersion maximale passant de 80 à 120 mètres, développement des manœuvres hydrauliques. Les conférences de Washington (1921) et de Londres (1930), malgré la pression anglaise prônant l’abolition du sous-marin, n’ont pas de réelles conséquences. Les états-majors ont tendance à concevoir deux classes de sous-marins : l’une à vocation océanique de déplacement de l’ordre de 1 500 tonnes, l’autre pour les opérations côtières de déplacement de 600/900 tonnes avec spécialisation pour certaines unités dans le mouillage des mines. La France construit une flotte sous-marine importante suivant ce schéma. Quant à l’Allemagne, elle reprend à partir de 1935 la construction de sous-marins autour de trois types de base : sous-marins côtiers type II (300 tonnes), sous-marins océaniques type VII (700 tonnes) et IX (1 000 tonnes). Ces sous-marins ont des qualités remarquables d’endurance, de simplicité et de manœuvrabilité, en particulier le type VII C qui sera construit à 654 exemplaires pendant la guerre. Les torpilles continuent de s’améliorer : portée 10 000 mètres, vitesse 30/35 nœuds, charge 300 kg. Les torpilles électriques font leur apparition dans la marine allemande tandis que la France et surtout le Japon développent la propulsion à oxygène. Malgré leurs perfectionnements les torpilles donneront des soucis aux Allemands et aux Américains en particulier dans le fonctionnement des mises de feu magnétiques.

 

La Seconde Guerre mondiale

La guerre éclate en septembre 1939 et le conflit devient mondial à la fin de l’année 1941. Le maintien ou la destruction des lignes de communication revêt une importance vitale pour chaque belligérant et les sous-marins vont encore jouer un rôle capital dans cette lutte. Avec une dizaine seulement de sous-marins en opérations, les Allemands enregistrent, comme en 1914, des succès retentissants avec le torpillage du Courageous ou celui du Royal Oak à Scapa Flow, mais c’est surtout l’invasion de la France qui, en leur donnant l’accès au littoral de l’Atlantique, va leur ouvrir de larges perspectives stratégiques. Commence alors l’âge d’or pour les U-Boote qui, de juin à octobre 1940, coulent près de 1 400 000 tonnes de navires marchands. La « Rudeltaktik » (attaque en meute) fait merveille, les sous-marins regroupés et guidés par le commandement à terre attaquant les convois en surface, de nuit ou au crépuscule. Avec l’entrée en guerre des États-Unis, les Allemands conduisent une offensive sous-marine sur les côtes américaines et coulent les pétroliers jusqu’aux abords de Curaçao. L’année 1942 est particulièrement lourde pour les Alliés : de mars à novembre, les pertes mensuelles oscillent entre 500 et 600 000 tonnes.

Le tournant de cette bataille des communications, appelée bataille de l’Atlantique par Churchill dès 1941, approche. En janvier 1943 l’amiral Dönitz devient commandant en chef de la Kriegsmarine tout en conservant le commandement des sous-marins. Il en dispose d’une centaine et le mois de mars est encore très lourd pour les Alliés dont les pertes atteignent 627 000 tonnes. Mais leurs efforts commencent à porter leurs fruits : mise en œuvre des radars aéroportés en bande S face auxquels les détecteurs allemands sont inefficaces, arrivée progressive des avions à long rayon d’action (Liberator, Lancaster), action des porte-avions d’escorte. Les zones non couvertes par l’aviation (gap) disparaissent peu à peu et les U-Boote sont contraints à rester en plongée, réduisant ainsi leur mobilité. Le mois de juillet est le dernier mois de la guerre où les U-Boote coulent plus de 200 000 tonnes mais leurs pertes s’élèvent à 32 unités. Durant les quatre derniers mois de l’année, 72 convois ne subissent aucune perte tandis que 62 U-Boote sont coulés, les trois-quarts par l’aviation. La bataille est alors perdue pour les Allemands qui mettent leurs espoirs dans des matériels nouveaux. Pour contrer l’apparition des radars aéroportés, ils installent le schnorchel sur leurs sous-marins à partir de 1943. Les études entreprises par le professeur Walter sur un nouveau type de propulsion en circuit fermé ne pouvant aboutir à temps, les Allemands développent des sous-marins où la composante électrique de la propulsion (moteur, accumulateurs) est privilégiée, les types XXI océaniques et XXIII côtiers. Malgré leurs exceptionnelles capacités offensives, ces bâtiments arrivent trop tard pour être utilisés en opérations.

Les raisons de la victoire des Alliés sont multiples : non reconnaissance par Hitler de l’importance de la lutte pour les communications, faible priorité accordée aux sous-marins jusqu’en 1943, manque de coopération entre Luftwaffe et Kriegsmarine, équipements électroniques des U-Boote très en retard sur ceux des Alliés. Du côté de ceux-ci : effort d’armement anti-sous-marin croissant et irrésistible, aide des États-Unis considérable et déterminante, programme de constructions neuves sans précédent (Liberty ships) permettant de combler les pertes dès l’automne 1942, organisation remarquable dans la conduite des opérations, entraînement régulier et intensif des équipages des escorteurs, supériorité de l’aviation, apparition d’armes nouvelles et efficaces (Hedgehog, Squid).

Sur le théâtre d’opérations du Pacifique les sous-marins jouent aussi un grand rôle mais dans un contexte très différent. Dès l’attaque japonaise de Pearl Harbour, l’amiral Nimitz décide la guerre sans restrictions contre le trafic marchand. Les sous-marins américains ont de bons résultats puisqu’ils ont à leur actif 60 % du tonnage coulé, environ 4 000 000 tonnes, et leurs pertes restent faibles, 16 % à comparer aux 80 % subies par les Allemands en Atlantique à la fin de la guerre. Les Japonais sont en effet loin d’avoir l’efficacité des Alliés dans leurs opérations défensives ainsi que dans leurs équipements et armements anti-sous-marins. Les sous-marins américains agissent aussi contre les forces de surface et jouent un grand rôle en matière de reconnaissance (bataille de Leyte).

Pour saisir l’ampleur de la lutte contre les communications et la place que les sous-marins y ont tenue, quelques chiffres suffisent : tonnage allié coulé dans le monde de 1939 à 1945, 19 millions de tonnes dont 15 dans l’Atlantique. 65,6 % de ces pertes sont dues aux sous-marins. Pendant la même période 1 133 U-Boote sont mis en service et leurs pertes s’élèvent à 782, 44 % étant détruits par l’aviation, 37 % par les escorteurs, et le reste par mines et sous-marins.

Dans l’immédiat après-guerre, toutes les marines étudient avec attention les sous-marins type XXI saisis à l’Allemagne soit pour améliorer leurs sous-marins en service (Guppy américains) soit pour en construire de nouveaux : Narval (France), Tang (États-Unis), Porpoise (Grande-Bretagne), Whisky (Union soviétique). Mais avec la guerre naît l’énergie nucléaire qui va complètement transformer les sous-marins jusque-là lointains successeurs du Narval de Laubeuf...

 

La révolution nucléaire

Les sous-marins nucléaires doivent beaucoup à la guerre froide et à la compétition qui très vite s’est installée entre les États-Unis et l’Union soviétique à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Leur conception et leur existence ont été rendues possibles grâce aux deux grandes percées technologiques apparues au milieu du siècle : utilisation de l’énergie nucléaire sous ses formes explosive et contrôlée, et réalisation de missiles. L’énergie nucléaire contrôlée va procurer au sous-marin le mode de propulsion unique qu’il attend depuis sa naissance et lui conférer une autonomie, une endurance et une discrétion considérables. Quant aux missiles qui permettent de transporter à grande vitesse et sur de longues distances des charges nucléaires, il sont à l’origine des sous-marins nucléaires stratégiques qui, dans la panoplie des armes de dissuasion, vont représenter le nec plus ultra. Bénéficiant d’une quasi invulnérabilité en raison de leur mobilité et de la protection naturelle que leur assurent les océans, ils ont une capacité de seconde frappe, avantage dont ni les avions ni les missiles sol-sol peuvent se prévaloir.

Tout a commencé avec la découverte de la fission de l’uranium par les savants allemands Otto Hahn et Strassman à la fin de l’année 1938, découverte confirmée quelques mois plus tard en mars 1939 par le physicien français Joliot et son équipe qui montrent en outre l’existence de neutrons secondaires, seuls éléments susceptibles de propager une réaction en chaîne. Dès le mois de juin, Joliot dépose trois brevets définissant les principes d’une production d’énergie à partir de la fission des noyaux d’uranium. Malgré le rôle déterminant des savants français dans les premiers développements de la physique nucléaire, les événements feront que c’est outre-Atlantique que va naître l’énergie nucléaire. Avant même la déclaration de la guerre et l’effondrement de la France, Einstein écrit en août 1939 sa fameuse lettre à Roosevelt où il décrit en termes saisissants les effets dévastateurs d’une éventuelle bombe. Cette lettre est accompagnée d’un rapport du physicien d’origine hongroise Szilard qui mentionne les travaux français comme étant les plus avancés. Les Américains déploient alors un effort gigantesque dans le projet « Manhattan District » où la priorité est donnée à la bombe, c’est-à-dire à l’utilisation explosive de l’énergie nucléaire et qui aboutit à l’explosion expérimentale Trinity, le 16 juillet 1945, à Alamagordo dans le désert du Nouveau Mexique. Les deux bombes lancées les 6 et 9 août sur Hiroshima et Nagasaki, si elles mettent fin à la guerre, portent en elles tous les germes de la guerre froide. Les Soviétiques admettent difficilement que les États-Unis soient les seuls détenteurs de cette nouvelle puissance et vont se mettre au travail en utilisant toutes leurs ressources, y compris l’espionnage, pour rattraper leur retard et acquérir l’arme nucléaire. Ils refusent tous les plans de contrôle international proposés par les Américains et le 19 août 1949 font exploser leur première arme nucléaire. La course aux armements peut commencer !

A la même époque est créée au sein de l’United States atomic energy commission (USAEC) une division navale dont l’objectif est la réalisation d’un réacteur embarqué. On doit cette création à la ténacité et à la volonté farouche d’un officier de marine, le commandant Rickover, dont le nom deviendra célèbre par la suite et qui n’a de cesse de voir installer la propulsion nucléaire à bord des sous-marins. Deux voies sont explorées. La première, qui sera celle des futures centrales électriques, est la filière à eau pressurisée et uranium enrichi. Un prototype à terre est construit à Arco (Idaho) et mis en route en mars 1953. En même temps un sous-marin aux formes classiques est mis en chantier. Baptisé Nautilus en hommage à Jules Verne, il est lancé au début de 1954. Le 17 juillet 1955, le commandant Wilkinson émet son fameux message « Underway on nuclear power » et on peut affirmer que cette date marque la véritable naissance du sous-marin pur ! La deuxième voie utilisant le sodium liquide et des neutrons plus rapides est expérimentée sur le sous-marin Sea Wolf à partir de 1957. Plus délicate à mettre en œuvre, elle est abandonnée par la suite et le Sea Wolf reçoit un réacteur identique à celui du Nautilus.

L’année 1957 va marquer un tournant. En août, les Soviétiques annoncent des essais réussis d’un missile à portée intercontinentale et le lancement en fanfare du Spoutnik le 4 octobre en administre la preuve. Se sentant pour la première fois directement menacés, les Américains sont en état de choc. En plus des mesures concrètes que l’on verra par la suite et qui donneront naissance aux premiers sous-marins stratégiques SSBN, il leur faut frapper un grand coup médiatique pour redonner confiance à la nation américaine. Pour cela on va utiliser le Nautilus et lui faire exécuter un passage sous le pôle Nord. Le projet séduit le président Eisenhower qui voit tout le parti qu’on peut tirer d’une telle opération montée dans le plus grand secret. Le 28 avril 1958, sous les ordres du commandant Anderson, le Nautilus appareille de New-London, passe Panama et arrive à Seattle. En juin, une première tentative est effectuée mais le sous-marin est obligé de faire demi-tour après avoir franchi le détroit de Behring, ne trouvant pas de hauteur suffisante entre le fond et la banquise. Après une escale aux Hawaï et quelques reconnaissances aériennes, il appareille de nouveau le 23 juillet. Cette fois est la bonne, il trouve un passage le 1er août et atteint le pôle le 3 août. Poursuivant sa route en visant le milieu du passage entre le Spitzberg et le Groenland, il fait surface le 5 août après avoir franchi la limite de la banquise pour transmettre le message qui deviendra tout aussi célèbre que celui du commandant Wilkinson : « Nautilus 90° N ». Le 7 août, à proximité de Reykjavik (Islande) le commandant Anderson débarque par hélicoptère pour se rendre à la Maison Blanche où il est accueilli par le président Eisenhower avec la couverture médiatique qui convient. Pendant ce temps le Nautilus rejoint l’Angleterre, sous les ordres du commandant en second, et attend devant Porland le retour de son commandant qui regagne le bord le 12 août. L’arrivée au mouillage est triomphale.

Revenons un peu en arrière. Après le Nautilus, les Américains mettent en service une série de quatre sous-marins, la classe Skate, aux formes de coque classiques et avec deux lignes d’arbre. Ces sous-marins se révèlent être très robustes et le Skate est le premier sous-marin à faire surface près du pôle, le 11 août 1958, une semaine seulement après l’exploit du Nautilus. Parallèlement, de nouvelles formes de coque sont expérimentées sur un sous-marin à propulsion classique, l’Albacore : profil en goutte d’eau, symétrie de révolution et ligne d’arbre unique assurent ainsi les meilleures performances en plongée. Cette expérimentation donnant satisfaction, une série de six nouveaux sous-marins est décidée : c’est la classe Skipjack. Le premier est mis en service en 1959 mais les suivants sont retardés car les éléments en construction qui leur sont destinés sont utilisés pour la construction des premiers sous-marins stratégiques SSBN.

 

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