Son histoire :
La
première idée du Provençal d'adoption Jacky C. fut d'utiliser le
coefficient de sympathie que pouvait inspirer à un large public la
toute nouvelle Twingo. Les relations qu'il avait avec les gens de
Renault Sport étaient privilégiées depuis l'épisode de la 4L, et il
était important de pouvoir continuer à en profiter.
Seulement voilà : chez Renault, on ne tenait pas du tout à
modifier l'image que le marketing avait
donné à la Twingo.
La compétition était loin d'être prévue dans son programme de
lancement.
C'est bien dommage, mais c'est comme ça... Or, sans l'aide de
Renault Sport, jacky ne pouvait envisager de monter une vraie auto de
course.
Il fallait donc trouver une autre idée...
«je
préfère largement courir avec une petite
Groupe A qu'avec une grosse Groupe
N, nous avait déjà dit jacky du temps de la 4L.
C'est plus économique,
et c'est beaucoup plus amusant ..
» Il faut dire que depuis plusieurs années, le budget de jacky pour la
course est d'une stabilité aussi unique et déprimante que les salaires
des Français.
Pour 100 000 "balles", il faut absolument que tout
rentre dans la voiture.
Heureusement, il a beaucoup de relations, et petit
à
petit, la nouvelle voiture s'est étoffée.
Pour rester dans la classe 1 300 en même temps que dans la
production Renault, il avait fallu chercher dans les bas de gamme :
seule la Clio 1 200 pouvait cadrer...
Chez
Renault, ça fait déjà quelques années qu'on fait courir des Clio.
Ce qui marchait en 2 litres devait a
priori ne pas poser de gros problèmes en 1 200, non?... «On
a pioché largement dans la banque d'organes
de série des modèles plus puissants.
On a mis des pivots et des freins de Clio
16S par exemple : de séries ils suffisent
largement, même avec la puissance de notre moteur préparé.
Ce sont des pièces
tout à fait abordables, et que l'on trouve
partout dans le réseau Renault. » La démarche se comprend assez
aisément, finalement.
Le montage d'une petite Groupe A demande plus d'ingéniosité,
mais beaucoup moins d'argent, que l'élaboration d'une Groupe N :
autrement dit, il revient moins cher de monter judicieusement ce qui est
autorisé, que de cacher ce qui ne l'est pas... «En
fin
de compte, cela a été plus facile pour
nous de monter une petite Clio, parce
qu'il existait
pour ce modèle de nombreuses
pièces de série tout à fait surdimensionnées.
Pour la Twingo,
il aurait fallu tout inventer, et cela nous aurait considérablement
compliqué la tâche. »
La
course, jacky Cesbron ne la conçoit jamais sans une sérieuse préparation
: une préparation qui commence bien sûr par la voiture.
Et pour cela, il a des amis partout : tout d'abord chez Heuliez
bien sûr, l'entreprise pour laquelle il travaille.
Heuliez est une firme mal connue du grand public, mais qui, à
travers ses différentes branches, fait énormément de choses pour
l'automobile : ainsi, la caisse de la Clio a-t- elle été préparée
chez Heuliez au niveau des renforts, de la peinture, et même du
traitement anticorrosion.
Lorsque
jacky a présenté pour la première fois sa Clio au départ d'un
rallye, c'était au Tour de Corse 1993, et la préparation était loin
d'être terminée.
L'ensemble mécanique notamment, était encore d'origine, et bien
sûr inadapté, mais malgré les 60 percherons du moteur, jacky était
satisfait de certains temps réalisés en descente, dans le Désert des
Agriates entre autres, par rapport aux temps de la 4L qui avait, elle,
90 ch.
Le châssis, semblait-il, était bien né...
Aujourd'hui,
après beaucoup de temps passé dans différents ateliers, la petite
Clio jaune a beaucoup plus de punch.
Chez Solution F, on a réussi à sortir une centaine de chevaux
du petit quatre cylindres à injection monopoint.
Ce système
d'alimentation a d'ailleurs posé pas mal de problèmes au préparateur
qui cherchait à la fois à améliorer la puissance et le couple.
Et bien sûr, le compromis choisi est plutôt "dans les
tours"...
Pour
la boîte de vitesses, jacky s'est tourné vers la Sadev, la firme qui
produit (entre autres) les boîtes des Clio officielles... Il faut dire
que depuis la 4L, Renault Sport a ouvert pas mal de portes à la petite
équipe.
Résultat, une boîte 6 à crabots particulièrement efficace.
C'est
à la veille du Critérium des Cévennes, alors que la boîte 6 faisait
ses premiers tours de pignons, que jacky a bien voulu nous laisser
essayer sa Clio.
Autant dire que sa confiance nous honorait ' mais qu'elle ne
suffisait pas complètement à nous rassurer : pas le moment de flirter
avec le rail, ou de rater un rapport...
L'épreuve
spéciale de Charleval, bien connue des concurrents de la Ronde de la
Durance, sert de base d'essais à de nombreuses équipes d'usine : son
profil accidenté et son revêtement abrasif martyrisent en effet très
vite et très efficacement les mécaniques et les pneus.
Autrement dit, un terrain idéal pour casser tout ce que vous
voulez...
Pour
qui a une petite voiture, les routes qui montent ont de multiples
inconvénients, mais aussi un gros avantage : c'est que quand on les
prend à l'envers, eh bien... elles descendent!
Au
volant de la Clio 1 200 Groupe A, on ne met pas longtemps à apprécier
tout le bien-fondé de cette constatation quelque peu "lapalissienne".
Dès
l'abord, cette voiture semble avoir énormément d'atouts dynamiques, en
regard desquels la puissance du moteur apparaît toute relative.
On l'a dit, la préparation, à ce niveau, a été sensiblement
limitée par l'injection monopoint, et pourtant, 100 ch pour 860 kg, ce
pourrait n'être pas si mal : une cure d'amaigrissement est prévue pour
1995, et d'ailleurs on a commencé par gagner 10 kg...
sur
le pilote.
Le reste coûtera sûrement beaucoup plus cher.
La voiture tient tellement bien la route qu'on a tout de suite
envie de la faire aller plus vite, tant que l'on monte vers le col, et
qu'on se donne une bonne marge de sécurité au niveau du régime moteur
(environ 1 000 tr/mn).
Dans le sens de la descente, en revanche, on ne peut que trouver
l'ensemble diabolique d'homogénéité.
Dès que l'on adopte un rythme "sage mais soutenu" les
suspensions gomment les trous et les bosses de la petite route.
La boîte est d'un maniement particulièrement rapide, et
l'étagement est parfait tant qu'on est haut dans les tours.
En descente, le moteur ne souffre plus du tout, et l'on comprend
que jacky préfère son auto à toute autre Groupe N. La Clio est une
petite auto, mais c'est une véritable auto de course.
On a à son volant toutes les sensations que l'on aime dans les
vraies Groupe A. Bien sûr, les performances sont très limitées, et
jacky se bat très loin des 106 Rallye officielles (qui évoluent dans
la même classe ... ), mais son plaisir, dans la course, passe par là. «J'aime
ce challenge : préparer une petite auto avec des professionnels malgré
des moyens d'amateur, et conduire
une vraie voiture de course.
J'ai besoin de ce bruit
et de ces vibrations...
»
Pour
réussir ce "challenge", jacky n'a pas hésité à construire une voiture qui n'existait pas.
Sa démarche, bien aidée par le fait qu'il a de bonnes relations avec pas mal de gens
bien placés, a abouti à un
petit engin sympa.
La voie est ouverte aujourd'hui, et sans dire que n'importe qui
peut se faire une auto comme ça
pour 100 000 F, l'exemple vaut d'être
cité.
Il prouve que même par les temps
qui courent, on peut passer sans
se ruiner complètement de
la conduite
au pilotage.
Après tout, c'est là
le plus grand privilège des amateurs,
non?...
(
Magazine Echappement - Janvier 1995 - n° 315 ) |